vendredi 13 avril 2018

Le foyer des mères heureuses / A House for Happy Mothers d'Amulya Malladi


Priya est américano-indienne, mariée à Madhu avec lequel elle partage une vie confortable en Californie. Après plusieurs fausses couches et l'échec des féconditions in-vitro, la jeune femme se désespère de devenir mère. Il ne lui reste qu'un espoir, le recours à la GPA (Gestion pour Autrui). Une fois son mari convaincu, ils lancent le processus en ayant recours aux services d'une clinique spécialisée située en Inde, dans la région d'où son mari est originaire.

Asha est indienne. Elle est mariée et maman de deux jeunes enfants dont un garçon surdoué à qui elle voudrait pouvoir offrir une éducation et des perspectives que sa pauvreté laissent difficilement entrevoir. Elle-même déjà mère de plusieurs enfants, sa belle-soeur a loué son ventre et gagné suffisamment d'argent pour acheter un appartemment moderne à sa famille et elle convainc Asha de faire de même : après tout, il ne s'agit que de louer son ventre le temps d'une grossesse, de gagner une grosse somme d'argent et de profiter pendant le dernier trimestre des avantages du "foyer des mères heureuses" où les jeunes femmes sont prises en charge, exemptées de toutes tâches ménagères en bénéficiant d'un temps pour elles, de cours, de massages et d'un suivi médical jusqu'à l'accouchement.

D'un chapitre à l'autre et le temps d'une grossesse très particulière, de la conception à la naissance, on va suivre la vie et le parcours émotionnel de ces deux femmes aux personnalités attachantes, reliées par ce bébé attendu par l'une, porté par l'autre. On y appréhende, pour chacune, les implications pour le couple, vis à vis des amis, de la famille et de l'extérieur en général.           

La GPA est interdite en France mais il ne faut pas leurrer, elle n'en existe pas moins à l'échelle de la planète alors ce livre est une bonne introduction pour en saisir toutes les dimensions, médicales, morales, économiques et humaines. Un sujet abordé du point de vue de chacune des deux femmes (et aussi, de celles du foyer), une épreuve et des espoirs vécus différemment d'un côté comme de l'autre mais tout aussi intensément et humainement. Même si le ton est parfois inégal, c'est fort, on souffre, on comprend, on compatit, on partage le ressenti de chacune de ces deux femmes, on pourrait être l'une, on pourrait être l'autre.

J'ai aimé ce livre qui sonne juste, sans jugements de valeurs, écrit en anglais par une auteur indienne éduquée aux États-Unis, mariée à un Danois et installée dans le pays de son mari. Amulya Malladi a déjà plus de six ouvrages à son actif dont plusieurs traduits en français, une découverte intéressante, à poursuivre.

Titre original : A house for happy mothers
Titre français : Le foyer des mères heureuses
Auteur : Amulya Malladi
Première édition : 2016

Extraits du livre :
- Priya l'avait inondé de mails pour le convaincre que la maternité de substitution était une méthode sûre, qui s'était révélée d'une grande efficacité pour beaucoup de couples comme eux, et, plus important, que l'argent qu'ils verseraient à la mère porteuse aiderait sa famille et améliorerait sa qualité de vie. 
- Ils ne voyaient pas cette méthode comme une forme d'exploitation des pauvres, mais comme le moyen pour eux d'avoir un petit-fils ou une petite-fille tout en offrant à une autre famille la possibilité de vivre mieux. 
- "On a signé un contrat ; c'est notre boulot d'être intelligente et de ne pas s'attacher à ce qui ne nous appartient pas" (...) Mais alors elle posait la main sur son ventre, elle se demanda comment une femme pouvait être indifférente à la vie qui se développait en elle. (...) "Ce bébé n'est pas à toi. On te l'a mis dans ton ventre et tu es juste une machine qui le fait grandir. Tu n'es pas une mère pour lui."
- Sa philosophie était simple : puisqu'elle ne gagnerait jamais à la loterie, le gestation pour autrui était sa loterie. Elle avait juste à fournir un petit effort pour remporter le gros lot ; mais le jeu en valait la chandelle. 
- Leurs familles leur manquaient, l'humiliation de devoir mentir à tout le monde au sujet de leur grossesse, l'ambiguïté de porter un bébé avec lequel elles n'avaient aucun lien - non, vraiment, elles n'étaient pas heureuses dans ce foyer des mères heureuses. 
- Ils sont peut-être pauvres, mais j'imagine qu'ils ont les mêmes émotions que nous.
- On est comme des coolies, on porte la valise de quelqu'un pendant un moment (...) et une fois arrivées à destination, on la remet à son propriétaire et c'est terminé.  
- Sush comprenait ce qu'éprouvait Priya - un mélange de culpabilité, de responsabilité et de volonté de prouver qu'elle était une bonne personne.

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